Artistes
« Je suis un sauvage / le moral nécessaire  » – 7 »
Album disponible : 15 avril 2019
Souffle Continu Records

Signés Steve Lacy, Areski, Maurice Lemaître, Philippe Maté, Jean-Charles Capon,Michel Roques ou Cohelmec Ensemble, certains disques produits par Saravah figurent parmi les opus majeurs des années 1960-1970, tel Comme à la radio réalisé par Brigitte Fontaine en compagnie de l’Art Ensemble of Chicago à Paris en 1969. Dommage cependant que l’on sache moins qu’il en est de même d’un 45 tours sorti par ce même label au même moment, où l’Art Ensemble of Chicago accompagne cette fois le verbe du méconnu Alfred Panou.
Aperçu en 1967 dans le film Week-end de Jean-Luc Godard où il interprète un éboueur noir, le Bénino-togolais Alfred Panou menait déjà une carrière d’acteur de théâtre engagé quand, stimulé par le producteur Pierre Barouh, il incarne sur disque deux de ses textes se référant au Black Power. Au moment d’enregistrer, l’explosif premier album des Last Poets n’a pas encore vu le jour, tout comme celui de leur équivalent west coast Watts Prophets qui ne sort qu’en 1971. C’est dire qu’en 1969, même si quatre ans auparavant Black Dada Nihilismus d’Amiri Baraka constituait déjà l’incontestable matrice de tout ceci, la prose-combat d’Alfred Panou s’avère saisissante. D’autant qu’à sa manière, parmi les premières, elle questionne l’identité noire. Et qu’afin de l’interroger (quelle idée de génie), la jungle poly-instrumentale et bruissante fantasmée par l’Art Ensemble of Chicago a été choisie comme contrepoint musical !
Probablement peu connu parce que porté par des textes dits en français, Je suis un sauvage / Le Moral nécessaire mérite plus que l’assentiment récent des seuls amateurs de grooves rares. Car aujourd’hui encore, ce disque à ne pas négliger demeure un brûlot séminal subtilement militant et par endroits non dénué d’humour. Bien que bref (à peine plus de dix minutes en tout), il représente un grand moment de Great Black Music au même titre que Seize The Time d’Elaine Brown, Nation Time de Joe McPhee, There’s A Riot Goin’ On de Sly & The Family Stone ou Attica Blues d’Archie Shepp. Pas moins.