Dites 33
En 1977 Pierre Barouh sortait un coffret de quatre vinyles, orné du dessin de Sempé qui ouvre le site, avec l’intitulé « 10 ans de Saravah ». Mais ces dix années-là, pour le label d’ « Il y a des années où l’on a envie de ne rien faire », donnaient à l’écoute l’impression d’un demi siècle d’aventures et de gravures, tellement le jeune label, de Nicole Croisille chantant « Killy » au « Bonheur » de Brigitte et Areski, avait traversé de continents, survolé de gouffres financiers et défriché de nouveaux terrains musicaux. Comme ce cortège de productions s’était accumulé au hasard des rencontres et non pas en suivant la stratégie de résumer en dix ans la musique sous presque toutes ses formes, ni celle de contredire absolument la devise de son label en multipliant les productions mois par mois, ce coffret a l’importance du révélateur pour Pierre Barouh. Alors que les médias taxaient l’aventure Saravah d’utopie, ce coffret chargé d’une bonne tonne de bandes magnétiques bien concrètes fut la réponse à toutes les critiques, tous les mépris, en même temps qu’un délicieux jeu de collage pour son architecte et maçon. Depuis « les dix ans de saravah » Pierre Barouh attendait que les années passent, s’additionnent et donnent le chiffre clé sonnant l’heure des réjouissances: le nouveau coffret. Vingt ans ? Trop court. Car dix ans après « Les dix ans » le public français ne connaît toujours pas Saravah. Mais tout de même après 25 ans de Saravah, Pierre Barouh commençait vraiment à s’impatienter, en lançant les premières esquisses de l’anniversaire. Il fallait casser le chiffre rond, rester ludique.
Quelques années passent. Trente ans, ça fait long tout de même. Une compilation sort, plus pour rappeller aux médias et à ceux qui l’ignorent que Saravah existe encore et pas seulement par ses géants du passé. Mais le chiffre trente n’inspire pas, car finalement le nombre importe peu. Les « dix ans de Saravah » correspondent à dix ans de Saravah sur la butte Montmartre, une période identifiable, cohérente, la durée d’une équipe. Impossible de fixer une date anniversaire alors qu’on est en train de vivre la période et pourquoi attendre qu’on devienne vieux et fier d’un label quadragénaire, quinquagénaire, comme pour accélérer le temps. Trente, ça ne sonnait pas terrible. Seul le nombre « trentre trois » pouvait donner la réplique au « dix ». Déjà esthétiquement, « 33 » détrône la raideur du « 10 », puis pour plein de raisons qui jouent autant avec la fragilité, l’aspect éphémère, soluble de l’expérience Saravah que sa longévité. L’intitulé « Dites 33 ! » évoque la visite médicale d’un label qu’on croit toujours disparu, voué à une disparition très rapide, agonisant et qui ne s’imprime même pas sur les tabloïds. Et c’est aussi la trouvaille d’un « anniversaire » en continu, « une rétrospective » qui mûrit avec le temps au fil des volumes. La collection « Dites 33 » c’est la mémoire du label Saravah par le son. Cette collection avance de dix ans en dix ans, avec prudence. Pierre Barouh narre l’évolution de son histoire et l’on plonge dans un épisode qui illustre la décennie traitée. Epilogue cosmique.
Le nom de cette collection a été trouvé avec Atsuko Ushioda alors qu’il m’était demandé de réunir, proposer, la matière du fameux coffret prévu pour les 33 ans, qui devenait 34 le temps que je réagisse… Ce n’est qu’une fois l’opération lancée qu’en lisant la rubrique astronomie du journal Le Monde, en 1999 donc, je découvre qu’une comète nommée Temple Tuttle passe à la périphérie terrestre tous les trente trois ans en laissant des « nuages » qui se fixent à haute altitude pendant des siècles et que la Terre peut traverser à l’occasion de ses rotations. Elle passe tous les trente-trois ans mais nous, enfin elle – notre planète – ne l’éprouve que plusieurs siècles plus tard… C’est bien sûr à cette comète qu’est dédiée, secrètement, cette collection qui attend son volume 3.
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